Lundi 4 août 2008 à 1:39

Il doit être 5h. Début de ma longue journée.
Voici les premiers qui arrivent, lourds de sommeil, d'envie de faire demi-tour pour s'enfouir sous les draps, à tel point que le bruit de leurs pas résonne à reculons.

Pour moi, ce sont les pires : maussades, aigris, l'haleine elle aussi "chargée" de sommeil, ils se laissent lourdement tomber, sans gêne, ils m'écrasent, s'étalent, me mettent leurs pieds sales dans la gueule...
Plus indifférents au lever de soleil dans le bleu transparent du ciel que le porte-boisson que je porte dans le dos. Je n'ai même pas envie de les plaindre du sort qui les condamne à se lever à des heures indues pour travailler ; quand on est aussi désagréable, on ne mérite pas de compassion.

De dix heures à midi, je me transforme en annexe de bureau multi-fonctions pour jeunes cadres dynamiques et surbookés : je vois défiler des rangées de culs gras ou maigres serrés dans des costumes sombres et des tailleurs stricts accompagnés d'ordinateurs portables et d'attachés-case sévères, moins joviaux que des portes de prison et à peu près aussi humains. Ils ont les dents si longues, ceux-là, que je crains perpétuellement pour mes coussins et mes repose-pieds. Culs pincés, posés avec indifférence, déposés avec fébrilité, je ne les regrette vraiment pas, j'ai l'impression de transporter des robots.
L'après-midi est mon moment préféré : touristes, vacanciers, jamais totalement insouciants (on est rarement aussi stressé que quand on voyage : consciemment ou pas, on vit dans la perpétuelle crainte du grain de sable qui gâcherait quelques minutes de ces congés durement arrachés à la Société - En effet, j'accueille curieusement peu de rentiers multimilliardaires...), mais... VIVANTS.
Ca parle, ça rit, ça admire le paysage, ça remue sur mes genoux, ça m'effleure et me caresse...
Ca s'aime quelquefois, et mon dossier attendri dissimule les baisers tendres ou crapuleux qui s'échangent dans la chaleur d'un Paris-Rennes estival...
Ca dort aussi, blotti contre moi comme pour me prendre à témoin de leurs rêves...
Les petits enfants courent et me piétinent mais ça me chatouille, j'ai envie de rire et de jouer avec eux.

Le début de soirée arrive hélas, les enfants partent se coucher là où je les ai déposés avec regret. Leurs rires sont remplacés par les soupirs fatigués des adultes sérieux et travailleurs qui rentrent de leur journée de boulot lourds, maussades à force d'épuisement, ou juste soulagés d'enfin retrouver leur sweet home...
C'est l'heure des confidences au téléphone, on se raconte sa journée, on se rappelle d'acheter des couches et une demi-baguette bien cuite, hein, pas comme celle d'hier, on s'échange tous les mots doux qu'on a eu tant de mal à garder pour soi pour cette longue séparation d'au moins... houla, dix heures !
On pleure, parfois, dans mes bras qui ne peuvent réconforter malgré mes efforts. Combien de morceaux de cœur fondus, humides et salés ai-je ainsi recueillis lors de tristes soirées ?

Ca râle aussi, en revenant de Paris. Le Parisien n'est jamais content, et le pire c'est que c'est contagieux. Comme j'aimerais botter ces fesses sans grâce mais pleines de graisse que je dois malgré tout accueillir à bras ouverts ! Ca n'arrête pas de bouffer, en plus, et ça me met des miettes partout. A 22h, j'embaume un délicat mélange de sueur et de McDo, à me faire vomir si je pouvais.

Pour moi aussi, la journée se fait longue.
Dernières visiteuses, les femmes de ménage qui, enfin, montrent un peu d'intérêt pour moi : elles me débarrassent des saletés, des objets oubliés (vous n'avez pas idée de ce qu'on peut retrouver...), me toilettent comme  un chien de concours  pour me redonner le glorieux privilège d'accueillir à nouveau  dès demain  les centaines de fesses des clients SNCF (qui ont déjà pris tellement cher en achetant leurs billets)...

L'exaltante existence du fauteuil 23 (Couloir) de la voiture 17...

Lundi 4 août 2008 à 0:59

Stress. Chaleur. Adrénaline. Sueur.

Non, je ne suis pas un chirurgien sortant d'une opération du cerveau particulièrement délicate.
Non, je ne suis pas un coureur automobile en pole position à Indianapolis.
Non, je ne suis pas poursuivie par un tueur fou à la faucille et au marteau.

Je pars en week end.

Si.
Comme ça.
Un mercredi en plus.

Si on m'avait dit que c'était si épuisant émotionnellement !

Cela dit, je dois être la seule courgeasse à se préparer la veille jusqu'à 2h du mat', à prévoir de partir avec 30 min d'avance, à jouer la business woman super organisée qui a même le temps de se faire une pause-shopping, pour finalement arracher ses billets 3minutes avant le départ du train et débarquer dans la rame hors d'haleine, en sueur, simultanément au bord de l'asphyxie (asthme oblige) et de la crise cardiaque.
Pour m'apercevoir une fois installée que j'ai oublié ma carte 12-25 toute neuve, sur laquelle j'avais préalablement oublié de mettre une photo. Je me demande ce que j'ai oublié d'autre ? Probablement un truc dont j'aurai urgemment besoin d'ici 5 minutes...

J'oubliais le passage où je dois m'excuser de vouloir récupérer ma place, occupée par une squatteuse (charmante et très gentille, mais squatteuse quand même, techniquement).
Va falloir m'expliquer ça, d'ailleurs :  on se galère à rejoindre SA voiture, avec sa place numérotée minutieusement indiquée sur le billet, laquelle voiture se trouve évidemment à l'autre bout du quai quelques kilomètres plus loin, le tout avec armes et bagages sous la chaleur de juillet.
Et quand on arrive et qu'on demande poliment à un quelconque squatteur de bien vouloir regarder de plus près son billet et constater que bizarrement, il s'est trompé, on a droit à des remarques du style :
"Pff, mais y en a partout, des places !"

Alors deux solutions :
- Ok, on se place un peu comme on veut et dans ce cas on n'attribue pas de n° de place ; no soucy, j'ai pas mon nom écrit sur les sièges (heureusement vu leur laideur... le choix des couleurs - orange et violet - dénote d'ailleurs à mon avis un designer clairement adepte des inhalations de fines herbes).

- Autre solution plus immédiate, le gentil monsieur qui me fait l'aimable suggestion sus-citée ME cède sa place et s'en trouve une autre puisqu'il y en a "partout" (même si mes pauvres yeux d'humaine n'ont même pas repéré une place libre dans le porte-bagages).

Pfff... Ce genre d'attitude n'a pas arrangé mon état nerveux, déjà malmené par mes nuits de 3 heures et ma course éperdue dans la gare.

Heureusement - et je regrette de n'avoir qu'un bête stylo banalement rempli d'encre pour exprimer ma gratitude - les Wriggles sont là pour m'apaiser et remplacer ma fébrilité anxieuse par une douce mélancolie ponctuée de sourires.

... En fait, je devrais écrire ça avec mon sang, la plume directement reliée au cœur, tellement leur musique rythme ses battements !

Oui, c'est une déclaration d'amour folle et désespérée, sauvage et échevelée qui jaillit à grands traits indécents de mon stylo sur ce cahier peu habitué à de tels transports (en fait de transports, mon cahier ne connaissait jusqu'ici que la grisaille du métro, beaucoup moins romantique).

----- Parenthèse ------
A cet instant précis, le soleil illumine juste le bout de page que je viens de griffonner, c'est trop classe on dirait une pub pour la SNCF sur le thème intello-zen "prendre le TGV nourrit l'inspiration"... MDR comme disent les jeunes...
Pourtant... à la réflexion, j'aurais pas écrit tout ça si j'avais pas pris le train. Hmm.
----- Fin de la parenthèse -----

Un grand cri d'amour fou, donc, tendrement couché sur le papier uniquement parce qu'il est en général mal vu de se mettre à pousser des cris de passion mal contenue au milieu d'un TGV rempli d'honnêtes citoyens sérieux et responsables.

On s'étonnera peut-être d'une telle ferveur quasi-religieuse (tendance Marie-Madeleine) vouée à un groupe que je connais pour de vrai depuis cinq jours et demi, à la louche (et en live ! )
Mais c'est comme ça : les coups de foudre sont soudains et imprévisibles, mais toujours impétueux et sans mesure.
Dans mon cas, les symptômes sont clairs :

- Manque de sommeil
- États d'euphorie, suivis de larmes de tristesse, suivies d'accès de gaieté irrépressible, eux-mêmes suivis de mélancolie vite remplacée par un grand sourire idiot, etc...
- Le cœur qui change de côté à la simple évocation de leur voix ou de leurs textes
- 90% de mes pensées tournées vers eux (les 10% restant étant la part animale inhérente à tout être vivant pour l'assouvissement de ses besoins primaires qu'il serait indécent de développer ici).

Le diagnostic n'est pas moins clair :
"Certes, ce sentiment
Qui m'envahit, terrible et jaloux, c'est vraiment
De l'amour, il en a toute la fureur triste !"

J'oubliais de mentionner le dernier symptôme, mais non le moindre :
Le retour de l'envie d'écrire , de prendre le stylo pour repousser les bornes de la folie, de la bienséance et de la mièvrerie pour la première lettre d'amour (car c'en est une, même sans objet ni destinataire) depuis bien longtemps...

Ridicule ? Peut-être. Sûrement, même.
Mais d'une, se passionner, même pour des futilités, empêche de se dessécher le sentiment dans l'aridité du quotidien ; de deux, votre avis a à peu près autant d'intérêt à mes yeux qu'une télé bloquée sur TF1.
En effet, la folie partage avec l'amour la particularité d'être non seulement aveugle aux défauts de l'être aimé, mais surtout aveugle à TOUT ce qui n'est pas l'être aimé. Et par conséquent, royalement indifférente à  ce que pense le monde extérieur. S'il existe.

Parfois, c'est la mélodie tendre qui prend aux tripes sans qu'on puisse s'en défendre ; elle réveille des chagrins enfouis, vrais ou faux, et pour peu que le texte rappelle une histoire vécue, ça ne rate pas : on pleure.

D'autres fois, les voix, les mimiques, les textes délirants mettent directement le doigt sur les nerfs les plus sensibles jusqu'à ce que l'éclat de rire sonne le signal de la capitulation.

Combien arrivent à jouer ainsi à jouer avec nos sentiments pour qu'on en redemande ? Combien peuvent nous faire encore pleurer ou rire à la 200ème écoute ?

Comment mon petit cœur de midinette refoulée (à coups de talons, mais pas assez fort, apparemment) aurait-il pu résister ?

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